On a l’habitude d’attribuer aux Chinois la fondation de la civilisation des baguettes. Plusieurs historiens ont cependant mis en évidence les liens entre l’utilisation des baguettes et la civilisation de riziculture de l'Asie du Sud Est.
A l'époque antérieure à l'unification de la Chine par Qing Shi Huang Di, les Chinois continuaient à se servir de la main pour saisir la nourriture. C'était une tradition des peuples cultivant du millet, de l'orge et mangeant du pain, de la brioche et de la viande. Ils ne commencèrent à se servir des baguettes qu'au moment de leur expansion vers le Sud de la Chine. C’est ce qui dit un historien chinois. Les baguettes ne peuvent être fabriquées en effet que dans une région où l'abondance des bambous n'est plus mise en doute. C'est le cas de la Chine du Sud et de l’Asie du Sud Est. Elles sont l'outil rudimentaire façonné à l'image du bec de l'oiseau pour pouvoir saisir efficacement le grain de riz et les poissons et pour ne pas salir les mains avec les plats ayant tendance à contenir de l'eau (soupe, potage, saumure etc...). Par ailleurs, à la différence de la culture nomade fondée sur l’élevage, la culture du riz en champ inondé demande plus de solidarité que de discipline. Cette solidarité se traduit non seulement par le regroupement des populations d’agriculteurs dans les villages (d’où naît la culture villageoise) mais également par les habitudes, y compris les habitudes alimentaires. On constate par exemple que dans un repas vietnamien, les plats ne sont pas servis dans les assiettes dont chacun en a une. Au lieu d’une assiette, chaque personne a donc une baguette avec laquelle elle se sert On trouve dans l'utilisation des baguettes des vietnamiens une philosophie à la fois simple et humoristique. Une paire de baguettes est comparée à un couple. Une chanson populaire nous dit:
Le mari et la femme sont comme une paire de baguettes. Si le mari est petit, et que la femme est grande On dirait une paire de baguettes disproportionnée Vous avez beau de les mettre ensemble Jamais il n’y aura d’équilibre.
Rien n’est pire qu’une paire de baguettes disproportionnée, car elles ne permettent pas de saisir les aliments avec facilité. Un dicton vietnamien nous le dit : Une femme stupide vaut mieux qu’une paire de baguettes disproportionnée. Telle est l’importance de cet outil usuel avec lequel on croque la vie au Vietnam.