D’origine vietnamienne et vivant à Paris, Trân Thi Minh Tâm (connue en tant que Miss Tâm) transmet le goût du Vietnam à travers ses recettes traditionnelles vietnamiennes sur son blog La Kitchenette de Miss Tâm.
Après une carrière dans la production musicale, elle a décidé d’aller vers sa passion : la cuisine vietnamienne et bien sûr la transmission de la culture vietnamienne. « Aussi loin que remontent mes premiers souvenirs, j’ai toujours eu les papilles en éveil. La cuisine de mon enfance fut un merveilleux lieu de découverte culinaire, ouverte sur le monde, véritable laboratoire de parfums et de saveurs, et un espace de vie sensorielle puissante ! Ma première école… Mes premières amours gustatives… Le goût du Vietnam » partage-t-elle sur son blog culinaire.
Pour elle, c’est bien de cuisiner, mais surtout ce qui est intéressant au-delà de la cuisine, ce sont les origines, les traditions et même concernant la cuisine directement, elle aime toujours savoir comment on fait une recette, pourquoi on utilise tel ou tel ingrédient etc…
Pour partager et transmettre les subtils saveurs et parfums de la merveilleuse cuisine vietnamienne à travers les recettes traditionnelles, elle a déjà créé le blog « La Kitchenette de Miss Tâm ». Cela nous donne certainement envie de découvrir la cuisine du Vietnam, de tester quelques recettes et d’en apprécier leurs saveurs et parfums.
Vu que la cuisine vietnamienne n'a pas de secret pour elle, nous l'invitons à partager quelques caractéristiques de la cuisine et du goût vietnamien. Bonne découverte !
Mon impression générale sur la cuisine vietnamienne...
Cette question mériterait qu’on y consacre un livre entier. Je constate que la cuisine pour les Vietnamiens, que cela soit dans le pays ou à l’étranger, a une place fondamentale dans leur vie. Il ne s’agit pas simplement de se nourrir et d’éprouver du plaisir gustatif, il s’agit aussi de lien social, familial et affectif. Et pour les Vietnamiens résidant à l’étranger, c’est un repère identitaire et culturel particulièrement fort. La génération suivante d’origine vietnamienne née à l’étranger connaît le Vietnam d’abord à travers sa cuisine, souvent celle perpétuée par la famille exilée. Pour moi, la cuisine vietnamienne est le dénominateur commun de tous les Vietnamiens du monde, c’est l’âme du Vietnam.
Quelques caractéristiques de la cuisine vietnamienne et de ses goûts spécifiques...
Je suis loin d’avoir percé le secret de la cuisine vietnamienne ! Régie par le principe des cinq éléments et de la philosophie du Yin et du Yang issu du taoïsme chinois, la cuisine vietnamienne trouve un équilibre et une harmonie dans l’opposition et la complémentarité du Yin (âm) et du Yang (dương) qui désignent la nature de chaque aliment, permettent de maintenir une bonne santé et de se soigner (par un aliment Yin ou Yang) selon la nature manquante ou déséquilibrée dans le corps. Le principe des cinq éléments dans la gastronomie renvoie aux cinq éléments de la nature (ngũ hành : eau, feu, bois, métal, terre), aux cinq organes vitaux (ngũ tạng : reins, cœur, foie, poumon, rate), aux cinq saveurs (ngũ vị : salé, amer, acide, piquant, sucré). On pourrait rajouter encore la notion des cinq sens (cinq couleurs, cinq textures) et la bienséance d’offrir au minimum cinq plats à ses hôtes. C’est un vaste sujet que je n’ai pas le temps de développer ici.
La cuisine vietnamienne a sa propre identité mais tire aussi profit des influences étrangères (chinoise, française, indienne et cham) pour les réadapter à son propre goût. L’aliment de base est le riz blanc nature et sous toutes ses formes (farine, galette, vermicelles, pâtes, gâteau, alcool). Le condiment principal typique du pays est la saumure de poisson, le nước mắm. Les légumes (feuilles, tiges, racines, fruits, fleurs) sont cuits très rapidement pour préserver leurs propriétés nutritives et la consommation des herbes aromatiques fraîches associées aux mets est très caractéristique de la cuisine vietnamienne. Les poissons ou les crustacés (crevettes, crabes, calamars...) de la mer et des rivières sont présents à tous les repas, ne serait-ce avec le nước mắm ou le mắm. Les volailles comme le poulet ou la caille, ou les mollusques sont très appréciés. Le boeuf est moins consommé sauf pour les grandes occasions, contrairement à la viande de porc dont sont friands les Vietnamiens.
Du nord au sud du Vietnam, une distance de 1.700 kilomètres séparent les extrémités. Comme partout ailleurs, la cuisine de chaque région a ses propres caractéristiques, liés ici aux influences culinaires, au climat et aux produits régionaux. Dans le nord du Vietnam, sans compter les cuisines des minorités ethniques, la cuisine est très raffinée, moins sucrée que dans les autres régions, avec des grillades, des pâtés ou hachis de viande ou de poisson (chả et giò) des plats mijotés (kho), des légumes et volailles bouillis (luộc), des vermicelles transparentes (à la fécule de haricot mungo – miến). Dans le centre où la terre est moins fertile mais où les produits de la mer sont abondants, c’est une cuisine de pêche très relevée et pimentée, alliée au raffinement des mets issus de la cuisine impériale de Huê. Le mắm ruốc (petites crevettes fermentées en saumure), une spécialité de Huê, est quasiment le condiment principal. Dans le sud et l’influence de la cuisine sud-est asiatique, la cuisine est plus sucrée, avec un goût prononcé pour le sucré-salé et l’aigre-doux, l’usage du jus ou du lait de coco dans les plats et desserts (chè), des crudités marinées et une profusion d’herbes aromatiques (rau thơm) pour accompagner toutes sortes de grillades.
Globalement, la cuisine du Vietnam, quel que soit la région, est particulièrement parfumée, tend vers le goût sucré (Yang)-salé (Yin), et n’est pas très relevée (sauf dans le centre bien que cela soit moins piquante que la cuisine thaïlandaise). Elle est très variée, légère, diététique, digeste et bien sûr... exquise !
Selon moi, les erreurs ou bien les confusions que les Français font souvent dans la cuisine vietnamienne sont...
Les Français font souvent la confusion avec les cuisines d’Asie en général, en particulier entre la cuisine chinoise et la cuisine vietnamienne, des cuisines fondamentalement différentes. Pour « faire » cuisine vietnamienne, les Français rajoutent souvent de la sauce de soja, de la sauce d’huître et de la coriandre partout (goût plutôt chinois), ou parfois c’est le trio gingembre, citronnelle, lait de coco mais là, on s’égare du côté de la Thaïlande… Menthe et coriandre, voilà la triste combinaison des herbes aromatiques réduites hélas à ça, pour accompagner certains plats où normalement il faudrait une variété d’herbes, pourtant véritable identité culinaire du Vietnam. Hélas, c’est difficile de trouver ce qu’il faut quand on n’habite pas à Paris (je parle seulement pour la France, car je ne sais pas ce qu’il en est dans les autres pays). Voilà une des difficultés pour faire de la cuisine vietnamienne traditionnelle hors du pays.
Pour manger une bonne cuisine vietnamienne à Paris...
Comme je cuisine vietnamien à la maison et pour mon activité, quand je sors, je préfère explorer d’autres goûts par gourmandise et pour ma curiosité personnelle. Mais voici quelques lieux vietnamiens à Paris que je pourrais recommander sans que cela soit une liste exhaustive. Il y a le Saigon Moi (Sài Gòn mới) au 82 rue de Baudricourt 75013 Paris, Le Bambou au 70 rue de Baudricourt 75013 Paris, Le Pho Bi Da au 36 rue Nationale 75013 Paris, Pho 99 au 119 avenue de Choisy 75013 Paris et le Dông Huong au 14 rue Louis Bonnet 75011 Paris. Bien entendu, il existe d’autres très bons restaurants, mais je ne les connais pas tous. Il en existe aussi d’excellents dans les autres villes de France avec une communauté vietnamienne concentrée à Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille pour ne citer que les villes de grande agglomération.
Merci Miss Tâm pour ce moment sympathique et d’avoir accepté de partager avec nous un peu de tes connaissances sur la cuisine vietnamienne. Nous te souhaitons plein de succès dans tes projets et du bonheur dans ta vie. Nous espérons un jour te voir au Vietnam. À très bientôt !